Spiegelman présente en avant-première son nouveau livre Meta Maus

Super-héros d'une œuvre qu'il dit vouloir « nécessaire », Spiegelman semble détenir le pouvoir d'éveiller les consciences. Son allégorie de l'Holocauste vu dans le spectre zoomorphisé de sa souris, Maus - une sorte d'anti-Mickey dont la noirceur est proportionnellement inverse à l'enthousiasme débordant du personnage de Disney - lui a valu d'être le premier et le seul auteur de BD à obtenir le prix Pulitzer. Prix d'Angoulême en janvier dernier, figure underground des années 70-80 et défenseur d'une BD « à message », c'est à l'ombre des arbres de la place de Solliès-Ville dans le Var (dont le festival de BD se déroule jusqu'à ce soir), que nous le rencontrons accompagné de sa femme, l'artiste et romancière française Françoise Mouly (1). Et un honneur en cachant parfois un autre, nous voici à peine installés qu'Art Spiegelman nous tend nonchalamment un exemplaire de… Meta Maus !
Ouvrage référence
Un livre attendu comme la bible de Gutenberg par ses nombreux fans, à paraître cet automne aux USA et en janvier en France : « Je l'ai reçu la veille de mon départ pour la France. C'est le tout premier, il a été imprimé en Chine. » Un trésor défiant tous ceux dont recèlent les pages des bandes dessinées pour gosses, une sorte d'ouvrage-référence qui revisite, nous dit-il, sa vie : « Mon éditeur me l'a demandé pour les 20 ans deMaus, mais c'est un livre qui m'a demandé 5 ans de travail. Ce sera donc pour ses 25 ans ! s'amuse-t-il. C'est une sorte de making of de Maus, comme dans les DVD. »
Des lettres de refus d'éditeurs
Art Spiegelman explique que chaque chapitre répond aux questions que l'on lui pose le plus souvent. Pourquoi l'Holocauste ? Qu'est-ce que ses enfants pensent de Maus ? Pourquoi des souris ? Pourquoi la BD ? Ses influences.
On y trouve ainsi, entre autres documents inédits, la lettre de déportation de ses parents, une interview de sa petite-fille, des explications sur sa méthode de travail, des repros de Mad, Dick Tracy, Master Race de Krigstein dont il est un grand admirateur ainsi que… les lettres de refus d'éditeurs pour Maus. On en connaît qui vont bientôt vouloir se cacher dans un trou… de souris, bien sûr.
«Mais le vrai sujet du livre est que pour faire une œuvre nécessaire, il faut avoir baigné dedans toute sa vie. » Jusqu'à ne devenir l'artiste d'une seule œuvre ? «Mausest comme du blues. Parfois, il y a une chanson de blues qui passe à la radio et qui devient populaire. Les autres non. Là, c'est un peu pareil, même s'il y a évidemment des personnes qui comprennent les autres œuvres. » De quoi renvoyer dans leur bulle tous ceux qui lui en font le reproche.
Avec l'ami Tardi
À Solliès-Ville jusqu'à ce soir, où il est « comme à la maison », il a retrouvé son ami Tardi, l'un des tout premiers à l'avoir poussé vers la BD à l'époque de la revue A Suivre, à la fin des années 70 : «Il l'a pris par la main, lui a donné carte blanche, l'a encouragé, et leurs liens sont très forts depuis, nous explique sa femme.Imaginez, ce n'est pas avec moi mais avec Tardi qu'il a appris à parler Français(rires).» Un Français « amélioré », même, parfois : ou quand l'inventaire (de sa vie), devenu un « inventoire », ferait le bien joli début d'une nouvelle histoire…
(1). Également fondatrice du magazine graphique américain RAW et éditrice artistique du magazine culturel américain The New Yorker depuis 1993.
Stéphanie Mayol (smayol@nicematin.fr)
http://www.nicematin.com/article/spiegelman-presente-en-avant-premiere-son-nouveau-livre-meta-maus
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